Turquie : l’espoir dans les urnes ?

*C’est sous les débris du séisme, dans un chaos économique, dans un naufrage politique et dans le déni démocratique que les peuples de Turquie vont voter.*

Au pouvoir depuis bientôt vingt ans, le président turc Recep Tayyip Erdoğan est donné perdant à la prochaine présidentielle prévue le 14 mai 2023 par pratiquement tous les instituts d’opinions. 

La grave crise économique que traverse le pays, qui a entraîné une forte hausse de l’inflation et du chômage, a rendu le Parti de la justice et du développement (AKP) d’Erdoğan très impopulaire depuis quelques mois. Même avec le soutien du Parti de l’action nationaliste (MHP), formation d’orientation ultranationaliste avec laquelle l’AKP a formé une coalition nommée Alliance populaire, il semble que le président turc aura des difficultés à remporter la prochaine élection présidentielle.

Suite au séisme qui a entrainé plus de 50 000 morts, l’incapacité du pouvoir à gérer cette situation malgré l’aide internationale, les corruptions et les scandales mis en évidence augmentent jour après jour l’impopularité du partie AKP.

Cette élection présidentielle est organisée de façon concomitante avec un scrutin législatif mais ce dernier est d’importance moindre. En effet, dans le nouveau système politique turc, le président de la République possède des pouvoirs considérables qui lui permettent de contourner le parlement en cas de désaccord, notamment par l’adoption de décrets-lois. En d’autres termes, même en cas de « cohabitation à la turque », un parlement d’une majorité politique différente de celle du président ne pourrait empêcher l’action de ce dernier, seulement quelque peu la freiner. 

Cette réalité force les deux alliances (alliance national et l’alliance « Travail et liberté ») d’oppositions, quelques soit leurs divergences notamment sur la question Kurde, à trouver une solution pour ne présenter qu’un seul candidat face à Recep Tayyip Erdoğan, sans pour autant former une coalition. Le seul dénominateur commun de ces parties est la volonté de mettre fin au régime autocratique du président turc actuel.

La constitution d’un troisième bloc « Travail et Liberté » avec le parti HDP pro-kurde et plusieurs partis socialistes tel que le Parti du travail (EMEP) aura son importance pour la composition du prochain parlement. Une procédure judiciaire étant en cours contre HDP, cette coalition presentra ses candidats sous l’effigie d’une partie  » VERT et GAUCHE ».

Quel que soit le résultat de la présidentielle et les scénarios auxquels on peut penser, la probabilité est forte que le pouvoir perde sa majorité parlementaire. L’Alliance populaire au pouvoir, l’Alliance nationale dirigée par l’opposition vont s’affronter pour la présidentielle dans une compétition électorale qui s’annonce très rude. L’alliance national est soutenu indirectement et sans faire d’entente électorale par le 3eme bloc qui ne présente pas de candidat au présidentielle dans le but de chasser Erdogan du pouvoir.

L’année 2023 sera cruciale pour la Turquie, pour plusieurs raisons, du fait du séisme, des différents scrutins qui se tiendront et de la célébration du centenaire de la République turque. A deux mois des élections, les positions des partis ne sont pas figées et elles évolueront au fil des semaines à venir. La position du président turc apparaît ambivalente, elle conjugue faiblesses et ressources, face à une opposition qui vient à peine de designer, dans la douleur, son candidat. Si la gestion après le séisme défavorise le pouvoir en place, le contexte instable du Proche-Orient et la guerre en Ukraine favorise ce dernier, qui semblent bénéficier du soutien de la Russie.